Histoire
Le 7 mars 1655, un contrat fut conclu entre Perpète Noizet, Abbé de Leffe, et Claude Plumère, fondeur de cloches, à Huy. Celui-ci s’engagea à refondre deux cloches de l’église abbatiale, désignées comme "troisième et cinquième" cloches, ce qui nous donne à supposer qu’il dût y avoir alors au moins cinq cloches au clocher. Le fondeur devait prendre les cloches précitées dans le bateau dès leur arrivée à Huy et pour le métal fourni, il reçut la somme de 12 florins, 10 patars. Après leur refonte, les cloches devaient être livrées par bateau, au départ de Huy. Le fondeur avait, en outre, à garantir "lesdites cloches bonnes du jour du dit livrement l’espace de deux ans." Au cas où dans l’intervalle elles venaient à se fêler, il s’engageait à les refaire à ses dépens. Elles devaient aussi être de la même tonalité que les cloches anciennes "pour fournir au carillon". Cette stipulation pourrait laisser conjecturer qu’il dût y avoir alors un carillon à l’abbaye mais l’expression "carillonner" était couramment usitée pour les sonneries simultanées de cloches d’église à l’occasion des fêtes, pour cette raison dites "carillonnées". Le 24 avril de l’année suivante, Plumère déclara qu’ayant déjà reçu une avance sur la somme convenue dans le contrat, l’Abbé avait satisfait au payement intégral des cloches.
En 1678, un contrat fut signé avec Perpète Wespin le Jeune, concernant la fonte d’une cloche de 217 livres, au prix de 23 patars la livre. Ce ne fut qu’en juin 1683 qu’elle fut suspendue au clocher de l’abbaye. Ce retard semble imputable aux temps de guerre d’alors, avec les incursions continuelles de troupes. La cloche "baptisée Saint-Norbert" s’étant fêlée, fut réparée en décembre 1693. Celle-ci était d’un poids de 385 livres et demie mais on y ajouta un peu de métal afin de l’amener à 393 livres et on commença à la sonner à la Noël de la même année. Le fondeur Jean Scaille en avait entrepris la refonte et avait à la rendre "bonne et saine". En 1698, simultanément avec des cloches destinées à l’église de Jassogne dont l’Abbé de Leffe était collateur et grand décimateur (ce qui obligeait à la fourniture et l’entretien d’une cloche) fut aussi fondue une cloche pour l’église abbatiale de Leffe. Ce travail fut confié à Denis Scaille. Pesant 285 livres, on la sonna pour la première dois, le 22 avril de la sus-dite année.
Le 8 avril 1722, l’Abbé de Leffe, Perpète Renson, signa un contrat avec son propre cousin, le maître fondeur de cloches, Pierre Levache, en présence d’Ernest Carin et Gilles Sarteau, domestiques de l’abbaye, requis comme témoins. Il s’agissait de la refonte de la "grosse cloche" destinée à la nouvelle église abbatiale dont la construction, commencée en 1714, n’était toujours pas parachevée. Cette cloche, aux termes du contrat, devait s’accorder avec les tons de "sol, ré, ut" semblant avoir été ceux des autres cloches de l’abbaye et devait être d’un poids de 2075 livres. La veille de la fête de Pentecôte de la même année elle prit place dans la jolie tour, à peine achevée. Hélas, dans la tourmente révolutionnaire de la fin du siècle, les anciennes cloches de l’abbaye disparurent sans laisser de traces !
Quant aux cloches actuelles, bien modestes mais au nombre de huit, elles se répartissent ainsi : cinq affectées au carillon, trois formant la sonnerie des offices. Les cloches du carillon, fondues à Tournai par J. Michiels, datent de 1934, époque où la grande tour, en Renaissance mosane, devait être restaurée et exhaussée de deux étages. La plus grosse de ces cloches, actionnée par un ange (jacquemart) en métal doré, porte l’inscription suivante : "Anno Domini 1934, Abbate Revmo B. Bauwens me cum quatuor sororibus clone dedit, hic posuit ac laudes Beata Mariae Virginie cantare fecit Molitor, professer in Seminario Floreffiense" (L’an du Seigneur 1934, sous l’abbatiat du Révérendissime B. Bauwens, qui, conjointement avec ses quatre soeurs, m’a donnée ; Molitor, professeur au Séminaire de Floreffe a fait placer ici (le jeu de cloches) afin de chanter les louanges de la Bien-heureuse Vierge Marie). Il s’agit de l’air bien connu du cantique Inviolata.
Au cours du mois de mars 1982, les deux cloches qu’abritait le clocheton en charpente surmontant le toit de l’église abbatiale ont été transférées à l’étage supérieur de la grande tour d’angle. Sur la principale cloche de la sonnerie des offices on lit le texte : "Deus adjuva me" (Dieu viens à mon aide) ainsi que le nom des fondeurs Slegers-Causard à Tellin. La troisième a été ajoutée en 2004.